Mozinor, une architecture contemporaine remarquable
L'hôtel industriel MOZINOR une réalisation singulière, unique en France, qui résonne avec les préoccupations actuelles.
L'hôtel industriel MOZINOR une réalisation singulière, unique en France, qui résonne avec les préoccupations actuelles.
En 1963, dans un contexte où les entreprises quittent Paris et sa première couronne pour s'installer en périphérie ou en province, la Ville de Montreuil durement touchée par le phénomène décide de contrer ce phénomène par l'implantation de zones de relogement industriel sur le plateau alors encore largement horticole, mais bénéficiait d'une excellente desserte par une autoroute nouvellement construite, et situé à proximité immédiate du centre de Paris.
En réponse à un manque de foncier disponible et son coût élevé, l'idée d'une organisation verticale s'impose petit à petit, et à l'issue d plusieurs années de recherches, d'enquêtes et d'études de cas en France et à l'étranger, naît le concept de la Z.I.V. ou de « zone industrielle verticale », directement desservie par l'autoroute.
Superposer des locaux industriels permettait de diminuer le poids de la charge foncière et de concentrer un plus grand nombre d'emplois. Un mode constructif industriel et la grande échelle devait permettre de faire baisser les coûts de construction. La mise en commun des équipements et éléments de logistique et une grande flexibilité es espaces, mais aussi des modes d’occupation par les entreprises devait permettre d’offrir une nouvelle génération d’immobilier d’entreprise.
Ce principe, ainsi que la mise en copropriété des locaux d'activité était alors, au moins en France, d'une grande audace.
Le projet initial de 32 hectares devait s'étendre sur près d'un kilomètre le long de la rue de Rosny et comprenait outre la « zone verticale», des zones « horizontales » plus classiques ainsi que des équipements.
Devant les protestations des propriétaires et riverains du plateau, le périmètre est réduit à une première tranche expérimentale, pouvant être étendu ultérieurement, MOZINOR.
Le concept est simple : offrir des surfaces indépendantes, de taille modulable, dotés des équipements techniques de pointe pour l'époque, sur un site bénéficiant d'une excellente desserte par l’autoroute, tout en mettant certains services en commun pour créer un lieu de travail moderne, agréable et ouvert sur la ville.
Mozinor est issu d'une recherche où la technique et l’esthétique sont toujours liés, ce qui donne cette écriture singulière au bâtiment, les éléments de façades, la terrasse, les installations techniques (chaufferie, conduits cheminées) ; la technique n'est pas subie, elle fait partie intégrante de l’œuvre.
Une architecture singulière
La construction est composée d’une ossature en béton armée formée d'un réseau poteaux-poutres et de dalles classique, entièrement coulée sur place, tout comme les escaliers faisant partie du gros oeuvre. Les rampes sont précontraintes. L'ossature porteuse libère ainsi les façades composées de modules sculpturaux, moulés, répétés à chaque étage et percées de nombreuses baies qui sont également perceptibles à l'intérieur. La composition est couronnée de modules crénelés qui forment les garde-corps de la vaste terrasse. On retrouve la même approche plastique dans l'ensemble des éléments techniques perceptibles (cheminées et autres gaines de ventilation qui émergent de la toiture terrasse comme des sculptures).
Une histoire culturelle : dans les années 1990 les premières raves parties françaises ont été organisées à mozinor et ont ainsi forgé l’histoire mythique du bâtiment.
Une politique volontariste d'occupation - Le bâtiment a été livré en pleine crise du pétrole et n'a pas été le succès commercial espéré par ses concepteurs. Malgré ces débuts difficiles, une stratégie d'occupation volontariste et à long terme a permis la pérennisation de cette aventure unique et le site est aujourd'hui pleinement occupé avec des activités diversifiés, dont trois entreprises labellisés « Entreprises du Patrimoine Vivant ».
Un projet visionnaire qui rejoint les préoccupations actuelles - Ovni, Projet unique en France, innovant à son époque, il est toujours d'une étonnante actualité, résonnant avec des préoccupations d'aujourd'hui, le maintien d'activités productives en Ville, la verticalité pour éviter la consommation de surfaces naturelles, la mise en commun d'équipements, la qualité de vie proposée, la flexibilité et l'évolutivité de l'ensemble ;
Mozinor demain - La transformation de l'autoroute en boulevard urbain ouvre une nouvelle perspective au bâtiment avec une desserte par les transports en commun et les modes de déplacements actifs.
Le label Architecture contemporaine remarquable a été créé en 2016 et succède au label Patrimoine du XXe siècle, créé en 1999 sur impulsion d'une recommandation du Conseil de l'Europe de 1991. Il s'agit de sensibiliser les publics et pouvoirs publics à la qualité de l'architecture du XXème siècle et plus particulièrement de l'architecture de l'après-guerre souvent moins reconnue du fait de sa relative jeunesse, de l'abondance et de l’hétérogénéité de la production (bâtiments en série, lotissements, grands ensembles et œuvres singuliers).
Le label architecture contemporaine remarquable vise ainsi à faire évoluer le regard des publics et à favoriser et accompagner sa mutation - si nécessaire - dans le respect des éléments qui la constituent. Il s'agit avant tout d'un outil pédagogique. Il est attribué aux immeubles, ensembles architecturaux, ouvrages d'art et aménagements réalisés il y a moins de 100 ans, non protégés au titre des monuments historiques, et dont la conception présente un intérêt architectural ou technique.
Le label n'a pas de conséquence financière ou juridique et n'a pas comme vocation d'entraver l'évolution du bâtiment, mais plutôt de l'accompagner. Ainsi la seule attribution du label à un bâtiment n'interdit pas sa démolition, en revanche le propriétaire est tenu d'informer les autorités en cas de mutation ou de travaux.
Le label est attribué par décision du préfet de région après avis de la Commission régionale de l'architecture et du patrimoine. L'initiative peut-être prise par les services de l'État, le propriétaire ou toute personne y ayant intérêt (architecte, ayant-droit de l'architecte, association, collectivité...).
Après deux campagnes de labellisations thématiques (logements en 2008 et édifices de culte en 2011), la région lance une nouvelle campagne autour de la création de la Métropole du Grand Paris. Elle interroge les rapports entre Paris et la Petite couronne en identifiant les édifices et ensembles qui contribuent à structurer le territoire, Mozinor a été identifié par la DRAC dans le cadre de cette thématique.
Une autre campagne relative à l'architecture scolaire menée en partenariat avec la région a abouti à Montreuil au premier bâtiment labellisé également en 2021 avec le lycée Jean Jaurès.
Les motivations de la labellisation de Mozinor comme Architecture contemporaine remarquable: Un exemple réussi d'une zone industrielle dense, consommant un minimum de foncier par le principe de verticalité, dans un quartier résidentiel avec une insertion urbaine réussie, proposant ainsi une alternative de mixité des fonctions et de «ville sur la Ville » dans un contexte où la Charte d'Athènes avec sa séparation des fonctions et la consommation d'espace en périphérie des Villes était dominante. D'autres motifs mis en avant sont la position de cet édifice dans un bassin d'emploi local, à proximité de la Ville centre, son caractère innovant pour l'époque servant toujours de modèle (notamment pour la cité Berlier construite par Dominique Perrault dans le treizième arrondissement à la fin des années 1985), l'indépendance des fonctions dans un ensemble cohérent, le caractère précurseur avec notamment le toit végétalisé, tout à fait dans la tendance actuelle, la préservation du programme à vocation d'activités malgré la mutation de l'environnement, l’esthétique brutaliste des façades et l'attachement des usagers et riverains. |
Mozinor, la construction d'un hôtel industriel pour maintenir l'emploi à Montreuil.
Né dans une famille de militants communiste, Claude Le Goas obtient son diplôme d'architecte à L'école spéciale d'architecture en 1952 et poursuit ses études dans un cycle de recherche à l’Institut d’urbanisme de Paris. En 1954, avec deux anciens élèves de l’ESA, Marius Depont et Serge Lana, il créa une première agence installée à Paris. En relation avec le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU), ils réalisent une première étude expérimentale de rénovation urbaine à Montreuil, sur le concept « construire la ville sur la ville », dans un contexte où les urbanisations en périphérie de villes dominaient. L'agence se spécialise par la suite dans les études urbaines liées à la rénovation des centres-villes, avec la création de « Bureaux de Plan » auprès de villes de la banlieue parisienne dépourvues en techniciens qualifiées pour gérer l’explosion démographique et les besoins urgents de logements, ainsi que la rénovation de quartiers dégradés et délaissés face aux mutations sociales et économiques.
Ces études demandaient à la fois une connaissance fine des territoires et des outils d'aménagement à disposition. L'agence devient pionnière dans ce domaine et assure les fonctions de « bureau du plan » auprès des Villes de Montreuil, Bagnolet et Saint Denis. Cette activité était doublée d'une fonction plus classique d'architecte communal avec la réalisation d'équipements et de logements sociaux. En 1965 était crée la société ATURBA à côté des agences Le Goas et Lana (atelier d'architecture et d'urbanisme), une structure pluridisciplinaire associant l'architecture, l'urbanisme, l'ingénierie, l'architecture intérieure, la recherche sur les matériaux et les sciences humaines.
En 1974 la structure s'installe à Montreuil, 17, place de Villiers dans un immeuble qu'elle venait de réaliser dans le quartier de rénovation de la Noue. Cette structure tricéphale occupait jusqu'à 120 personnes. La pluridisciplinarité était à l'origine de cette approche globale et innovatrice, à travers de recherches à la fois typologiques et technologiques, dans la réalisation de l'ensemble des projets qui lui était confiés . Cette constante recherche explique la grande diversité de son œuvre très représenté à Montreuil avec les projets de rénovation urbaine associées à une architecture sur dalle au centre Ville (rond point 93), à la Croix de Chavaux et au quartier de la Noue, des réalisations singulières comme Mozinor ou le conservatoire ou les recherches sur les structures tridimensionnelles de l'architecture proliférantes de la porte de Montreuil (CGT).
Au début des années 1980 Claude Le Goas initia le concept de Maitrise d'oeuvre urbaine (MOU) dans le Bas Montreuil. Les recherches menées par l'agence portaient à la fois sur les matériaux : les panneaux préfabriqués bois, acier inox et béton ou plastique, l’utilisation de systèmes constructifs performants, des recherches en partenariats avec des industriels en prolongements de projets innovants (comme les coques du conservatoire),les premières applications de l'informatique ou les typologies d'habitat entre individuel et collectif ainsi que des de projets de coopération en Yougoslavie et en Algérie.
Parallèlement à leurs activités, les fondateurs de cette agence tricéphale mirent en pratique leur idéal social du travail en équipe sur leur lieu de travail. Les collaborateurs étaient aidés et encouragés à évoluer, nombre d’entre eux passèrent leur diplôme d’architecte au sein de l’agence, les architectes-assistants étaient étroitement liés aux projets sur lesquels ils apposèrent leur signature (Robert Bezou pour l’ENMD de Montreuil), la créativité des équipes d’architectes était encouragée et développée au sein de l’atelier Le Goas. La création d’agences d’architecture autonomes était encouragée au moment où la commande évoluait.
En 1972, Claude Le Goas réalisa sa propre maison pluri-familiale à Nandy en Seine-et-Marne selon le procédé allemand TRELEMENT à ossature en aluminium sur une base géométrique triangulaire, exploité en France par GEEP Industries.
Claude Le Goas est décédé en 2007, à l'âge de quatre-vingts ans.
Bien que les architectes communaux présentent une tradition à Montreuil, avec notamment l’œuvre de Florent Nanquette, auteur de nombreux équipements, logements sociaux et espaces publics dans la première moitié du XXème siècle, l’oeuvre de Le Goas apparaît pionnière sur la dimension stratégique et urbaine que le bureau du plan assurera sur trois décennies avant que les service de l’urbanisme de la Ville ne prennent le relais dans les années 1990. La singularité de son œuvre réside dans cette approche globale, allant de la stratégie urbaine à la recherche sur les matériaux et les usages. La longévité de cette activité à Montreuil et les recherches constantes sont à l’origine de la grande diversité des réalisations à Montreuil.
Ses œuvres emblématiques : Mozinor, Le conservatoire, les rénovations urbaines du quartier de la mairie, de la croix de Chavaux, du quartier de la Noue, de la porte de Montreuil.
Liste de ses réalisations à Montreuil:
4
étages
6,30m
de hauteur sous plafond
38
lots de 100 à 2700 m²
510
places de stationnement
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